◊ La loi du 29 juin 1894 - fondatrice du régime minier

Un pas décisif est alors franchi avec la loi du 29 juin 1894 relative aux Caisses de secours et de retraite des ouvriers mineurs.

Ces Caisses ou « Sociétés de secours mutuels », juste tolérées dans la 1ère moitié du XIXe siècle, reconnues officiellement depuis le décret du 22 mars 1852, deviennent désormais obligatoires, consacrant le principe de l'affiliation.

Leur financement est renforcé car les cotisations patronales (2%) deviennent obligatoires en sus des cotisations salariales (2%).

L'Etat y contribue également, notamment si la Société de secours gère directement les cotisations perçues et le versement des retraites.

Il est intéressant, en effet, de constater que le législateur a, à l'époque, laissé le choix entre des cotisations versées soit à la CNRV, soit à une caisse spécifique locale créée par l'exploitant de mines sur autorisation administrative. L'empreinte de l'ancien système patriarcal restait forte.

La loi instaure également des livrets individuels de manière à identifier précisément les cotisations de chaque salarié.

Elle garantit par la même au mineur d'obtenir une retraite proportionnelle à ses années de travail et lui assure la conservation de ses droits, par exemple au cas où ce dernier changerait d'exploitation et d'employeur.

Enfin, l'âge de l'entrée en jouissance des droits à la retraite est fixé à 55 ans.

Paradoxalement, à l'époque, le monde ouvrier est rétissant à l'application de cette loi dont il ne mesure pas toutes les garanties nouvelles.

Sur les exploitations les plus riches, certaines sociétés de secours avaient accordé précédemment des niveaux de pension plus élevés que le barème institué, ce qui mécontente donc les ouvriers qui en bénéficiaient.

Les mineurs se méfient aussi du livret individuel qu'ils assimilent au livret ouvrier contrôlé par la police.

Ce système de retraite par capitalisation perdure ainsi une vingtaine d'années. Mais les limites de la loi de 1894 se font jour. Le temps passe, les besoins augmentent. La demande est forte.

◊ La création de la C.A.R.O.M. en 1914

C'est ainsi qu'une modification importante intervient au travers de la loi du 25 février 1914 qui institue la Caisse Autonome des Retraites des Ouvriers Mineurs (CAROM), laquelle va désormais centraliser la gestion des cotisations et verser les pensions de retraite à l'ensemble des mineurs.

L'article 2 de la loi de 1914 pose le cadre général : La CAROM va fonctionner sous le contrôle de l'Etat qui participe à son financement.

Cette tutelle est confortée dans la composition de son conseil d'administration qui comprend au total 18 membres titulaires dont 6 élus par les ouvriers, 6 élus par les exploitants et 6 représentants l'Etat parmi lesquels 2 sont désignés par le ministère du travail, 1 par le ministère des finances et 1 par le ministère des travaux publics. Les deux autres membres sont le Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et le Directeur de la prévoyance et de l'assurance sociale.

Cette loi ne comprend que 18 articles. Le rôle de la CAROM reste, en effet, restreint. C'est elle qui va désormais recueillir les cotisations retraites (patronales et salariales) et servir les pensions aux bénéficiaires, anciens mineurs, veuves et orphelins.

Les droits des ouvriers acquis auparavant auprès de la CNRV demeurent mais sont liquidés par la CAROM contre remboursement de la CNVR.

En vertu de l'article 13, les Caisses patronales, les Caisses de liquidation et les exploitants qui continueraient à servir les pensions à leurs anciens ouvriers doivent cependant fournir à la CAROM, chaque année, un état nominatif des pensionnés précisant le montant de la retraite qui leur est servie.

La CAROM dispose ainsi d'une vue d'ensemble sur la situation des retraités mineurs.

Autre inflexion décisive, le système de retraite par répartition apparaît. Pour le moment il demeure combiné avec l'organisation par capitalisation, mais il sera inéluctablement amené à prendre le pas dessus au cours des décennies suivantes.

Si la transition vers un régime indépendant est en marche, elle n'est que balbutiante à l'aube de cette terrible année 1914. Le conflit qui s'annonce mobilise les énergies vers d'autres préoccupations.

Pour fonctionner, la CAROM doit faire appel à du personnel de la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle s'installe provisoirement au 26 de la rue Vavin dans le VIe arrondissement de Paris avant de pouvoir construire son siège social dans le XVe arrondissement, au 77 avenue de Ségur, et de s'y installer en 1922.

Dès la fin de la guerre, la CAROM ouvre à ses bénéficiaires de nouveaux droits : le 9 mars 1920, établissement des retraites proportionnelles et extension des pensions de réversion aux veuves dont les maris sont décédés avant 55 ans ; en 1925, attribution d'une pension mensuelle aux orphelins ; 20 mai 1939, bonification spéciale pour travaux du fond.